Trio Karénine
Trio avec piano
Julien Dieudegard, violon, Louis Rodde, violoncelle, Paloma Kouider, piano
Le Trio Karénine est fondé à Paris en 2009 sous l’impulsion de trois jeunes musiciens et amis. En référence à la fougue et à l’élan vital qui la caractérisent, ils ont choisi de porter le nom de la célèbre héroïne de Tolstoï, Anna Karénine.
Poursuivant son ascension depuis ses débuts il y a maintenant plus de dix ans, l’ensemble se produit désormais sur les scènes les plus prestigieuses : Frick Collection de New-York, Concertgebouw d’Amsterdam, Konzerthaus de Berlin ou Philharmonie de Paris.
Très rapidement après leur rencontre, les trois musiciens intègrent la classe du Quatuor Ysaÿe au CRR de Paris. Une formation qui leur donne le goût de l’homogénéité du son commun, comme le cultivent les quatuors à cordes. Leur soif d’exigence et leur recherche stylistique les conduira par la suite sur les chemins d’autres grands musiciens : Menahem Pressler, Alfred Brendel, Hatto Beyerle, Ferenc Rados, Jean-Claude Pennetier, Johannes Meissl, Avedis Kouyoumdjian ainsi que les membres du Trio Wanderer, qui les guideront et nourriront leurs sensibilités de chambristes.
Ils ont la chance d’enseigner la musique de chambre au Royal Northern College of Music de Manchester depuis la saison 2019/2020.
Après un premier prix au concours Charles Hennen aux Pays-Bas, le Prix Pro Musicis et celui de la Fondation Oulmont, le trio remporte en 2013 le prestigieux concours international de l’ARD à Munich, un prix qui révèle le jeune ensemble au public international et marque un tournant dans sa carrière.
Déjà habitué des scènes françaises (Pleyel, Auditorium du Louvre…), le trio investit alors les salles de concerts à l’étranger (Wigmore Hall de Londres, Salle Bourgie de Montréal, Herkulessaal et Prinzregententheater à Münich, Leiszhalle de Hambourg, Auditorium de la Cité Interdite de Pékin) et fait ses débuts dans de prestigieux festivals (la Roque d’Anthéron, les Rencontres Musicales d’Evian, les Folles Journées de Nantes, Tokyo et Varsovie, les Flâneries Musicales de Reims, le Festival Chopin à Nohant…). La chaîne de télévision Arte invite également les trois musiciens à se produire dans sa série « stars von Morgen » présentée par Rolando Villazon.
Heureux de collaborer avec d’autres artistes, le trio se produit avec Adrien La Marca, Marie Chilemme, Hélène Clément, Alena Baeva, Raphaël Sévère… notamment au sein des Festspiele Mecklenburg-Vorpommern (Allemagne) qui lui décerne le Nordmetall-Ensemble Preis 2015 pour son interprétation de la Truite de Schubert, aux côtés de Krzysztof Chorzelski (Belcea Quartet) et Laurène Durantel.
Très impliqué dans le discours musical contemporain, le Trio Karénine est le dédicataire des Allées Sombres de Benoît Menut. En 2020 le trio créé une œuvre de Franck Krawczyk au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris dans le cadre de la Belle Saison, ainsi qu’un trio du clarinettiste Raphaël Sévère.
Le Trio Karénine enregistre pour le label Mirare les trios de Schumann (2016), fait redécouvrir le trio de Germaine Tailleferre aux côtés de Ravel et Fauré (2018) et grave un disque de musique de l’Est (2019), tous ayant reçu les meilleures critiques de la presse internationale (5 diapasons, 5 étoiles Classica, Gramophone Magazine, nomination au Preis der Deutschen Schallplattenkritik…). Son nouvel opus est un album de transcriptions d’œuvres de Schönberg, Liszt et Schumann.
La violoniste Charlotte Juillard rejoint la pianiste Paloma Kouider et le violoncelliste Louis Rodde début 2021 pour poursuivre cette aventure.
Le Trio Karénine a reçu le soutien généreux de l’Académie de Villecroze, de la Fondation Culture et Musique sous l’égide de la Fondation de France, de la Fondation Banque Populaire ainsi que de la Fondation « Musique et Vin au Clos Vougeot ». L’ ADAMI est également un des plus fidèles soutien de l’ensemble.
Presse
L’originalité des programmes discographiques est l’un point forts du Trio Karénine. Après un Chostakovitch-Weinberg-Dvorak et un Fauré-Ravel-Tailleferre, remarquables, les trois jeunes instrumentistes se distinguent une fois de plus avec un enregistrement réunissant Liszt, Schumann et Schoenberg (chez Mirare, comme les précédents). Ces trois noms sont certes connus des mélomanes, mais toute la singularité du projet qui se concrétise ici tient à ce que l’on a uniquement affaire à des transcriptions. A une auto-transcription même s’agissant de Liszt. Tristia est en effet l’arrangement tardif (1880) que le compositeur offrit de Vallée d’Obermann, pièce incluse dans la Première Année de Pèlerinage – La Suisse (le n° 6 d’un cahier publié en 1855). Une introduction idéale – menée avec un superbe frémissement romantique ! – à un album qui se poursuit avec les Six Pièces en forme de canon op. 56 de Schumann.
De cette composition imaginée par le compositeur allemand pour piano à pédalier en 1845, Bizet réalisa un quatre mains, avant que Claude Debussy n’en offre une version pour deux pianos. Grâce aux Karénine, on découvre qu’il en existe aussi une pour trio, signée du compositeur et organiste Theodor Kirchner (1823-1903). Contrepoint ? « Superposition heureuse des lignes mélodiques », écrit le compositeur Benoît Menut dans son texte de présentation de l’enregistrement. On reprend volontiers cette jolie définition pour décrire la sensation procurée par l’interprétation des Karénine, merveilleuse d’intensité dans la conversation musicale, de simplicité – heureuse, vraiment – et d’imagination poétique.
Ces qualités s’expriment tout autant dans l’étonnante transcription qu’Eduard Steuermann (1892-1964) – pianiste qui prit part à la création du Pierrot lunaire le 16 octobre 1912 à Berlin – laisse de la Nuit transfigurée de Schoenberg. Si la perspective de l’entrée du piano dans l’univers si intrinsèquement associé aux cordes de cette partition vous laisse dubitatif, passez outre vos réticences et faites la découverte d’une transcription passionnante, et fidèle aux prégnantes atmosphères de l’original ! Ce d’autant que les Karénine s’y engagent de la plus fervente façon et en soignent avec art les coloris troublants.
Pareille sortie discographique méritait qu’on la marquât d’un concert ; il se déroulera en streaming direct de la salle Cortot, le 15 mars à 19h, sur la très active plateforme Recithall. Ce rendez offrira aussi l’occasion de découvrir le Trio Karénine dans son nouvel effectif – ainsi va la vie des formations de chambre … La violoniste Fanny Robilliard a décidé de voguer vers de nouvelles aventures et c’est désormais Charlotte Julliard que l’on entendra aux côtés de Louis Rodde et de Paloma Kouider. Pour ce premier concert dans leur nouvelle configuration, les Karénine se montrent une fois de plus fidèles à l’équilibre entre le célèbre et le rare qu’ils affectionnent tant : le fameux Trio Hob. XV/25 de Haydn ouvre le programme, suivi de la Kammersonate de Henze et, pour conclure, du Trio n° 3 en fa mineur op. 65 de Dvorak, vaste et redoutable composition à laquelle peu de formations osent se frotter. Beau défi pour nos trois interprètes !
Alain Cochard, Concertclassic.com
La nuit transfigurée, du Trio Karénine
Comme dans une bonne histoire ou un film palpitant, la dramaturgie d’un programme musical fait la différence. Le Trio Karénine l’a bien compris en « scénarisant » son dernier enregistrement comme un auteur l’aurait fait de son roman. Si bien que Paloma Kouider (piano), Fanny Robilliard (violon) et Louis Rodde (violoncelle à la sonorité voluptueuse) nous tiennent en haleine de bout en bout, emportés sur les ailes du romantisme. Tout commence par la transcription que Liszt fit de sa Vallée d’Obermann, initialement composée pour le piano seul. De fantomatique et raréfié, le climat se fait peu à peu fervent, ardent, brûlant. Alors qu’il s’agit d’un disque, l’auditeur imagine les interprètes luttant avec leurs instruments pour faire naître d’aussi puissantes images sonores. Suivent les Pièces en forme de canon que Schumann écrivit en hommage à Bach, le maître des maîtres, dans un esprit de dévotion créatrice. Enfin, transcrite par Eduard Steuermann, l’hypnotique Nuit transfigurée de Schoenberg scelle, sous les doigts des Karénine, les sublimes noces entre l’amour humain et les mystères du cosmos.
Emmanuelle Giuliani, La Croix, Mars 2021
Liszt, Schumann et Schönberg par Le Trio Karénine
Le dernier opus du Trio Karénine nous fait découvrir trois transcriptions rares de la « Vallée d’Obermann », des « Six Pièces en forme de canon » et de « La Nuit transfigurée » pour le violon, le violoncelle et le piano. Force est de constater que le pari est réussi et le voyage proposé passionnant dans l’aire romantique germanique de la seconde partie du XIXe siècle.
Le pari des Karénine dans cet enregistrement, c’est de nous proposer des transcriptions d’œuvres iconiques (Liszt, Schönberg) ou pas, réalisées par le compositeur ou un de ses disciples – et non le répertoire habituel du trio. Un exercice peut-être particulièrement difficile pour « La Nuit transfigurée » composée pour un sextuor. Crainte légitime : n’y aurait-il pas déperdition d’ampleur, de lyrisme, de force avec la réduction à trois instruments. À l’écoute de cet enregistrement, toute crainte s’envole. Ces transcriptions apparaissent pour ce qu’elles sont : des œuvres à part entière et ce, grâce aux compositeurs mais aussi au grand métier des musiciens.
Le programme s’ouvre sur la transcription de la sixième pièce du premier recueil (consacré à la « Suisse ») du cycle des « Années de pèlerinage » de Franz Liszt. Cette « Vallée d’Obermann » dans le cycle originel, décrivant les états d’âme du héros de l’autobiographie romancée de Senancour, est composée en 1835 alors que Liszt est en Suisse avec Marie d’Agoult. Trente ans plus tard, Liszt la retranscrit pour le trio en la renommant (c’est désormais « Tristia ») et en opérant quelques modifications. Il écrit une nouvelle introduction « Lento » et développe de nouvelles lignes mélodiques solo.Paloma Kouider (piano), Fanny Robilliard (violon) et Louis Rodde (violoncelle) nous happent dès l’abord (et pendant les quinze minutes) d’un dialogue d’une grande éloquence. Ils cisèlent un discours profondément élégiaque faisant honneur au langage lisztien, propre « à exprimer tout ce qui en nous, franchit les horizons accoutumés » – tel que l’exprime lui-même le compositeur, attaché toute sa vie à une exigeante quête de l’Absolu. Cette union fiévreuse et inquiète de l’âme et du monde, qu’interprètent parfaitement nos artistes, se retrouvera dans la superbe nuit schönbergienne.
Plus rares, ces « Six Pièces canoniques » opus 56 de Robert Schumann composées à l’origine pour le piano-pédalier à Leipzig en 1845. Le compositeur, déjà instable et en proie aux angoisses, se réfugie dans l’œuvre du Maître. Retrempant son âme dans la fréquentation du génie du contrepoint, il livre ces « Six Pièces en forme de canon ». C’est tantôt un pur hommage (écoutez la brève première partie ou l’ »Adagio » de la sixième), et tantôt un accord de la manière du Kantor à son chant intérieur – comme le souligne souvent la partition, par exemple cette deuxième pièce « Mit innigen Ausdruck » toute irriguée de l’âme schumanienne. C’est le compositeur et organiste allemand Theodor Kirchner qui en livre une belle transcription qu’exalte le beau tempérament de notre Trio. On savoure pleinement la grande expressivité des chants et contrechants des trois voix, chacune ne se donnant jamais le beau rôle au détriment des autres.
Plus téméraire sur le papier, le CD offre comme pièce de choix « La Nuit transfigurée » dans l’audacieuse transcription d’Eduard Steuermann (un des créateurs du « Pierrot lunaire »). En lieu et place des deux violons, deux altos et deux violoncelles du sextuor originel, la formation violon, violoncelle, piano ne risque-t-elle pas d’affaiblir ce vrai poème quasi symphonique ? Il n’en est rien. Le Trio Karénine parvient brillamment à servir ce langage musical conçu par Schönberg pour dire l’inexprimable en outrepassant le verbe (en l’occurrence le poème de R. Dehmel). La complexité luxuriante du principe de la variation développante (théorisé par Carl Dahlhaus) ne perd rien ici. Les voix des trois instruments tissent avec une belle intensité une superbe texture aux denses réseaux motiviques, aux coloris subtils dans les cinq parties de ce dialogue entre l’Homme et la Femme. La beauté bouleversante déployée par leur chant nous offre une conversation de toute beauté. Chapeau les Karénine !
Christine Ducq, La Revue du Spectacle, Mars 2021
CD : Le Trio Karénine dans une transcription de La nuit transfigurée
Pour leur nouveau disque, les Karénine se lancent le défi de visiter trois œuvres du répertoire romantique germanique dans des transcriptions pour leur formation. Si le Liszt va de soi puisque dû à l’auteur lui-même, les deux autres, au chapitre des raretés, montrent l’original sous un jour renouvelé, singulièrement La Nuit transfigurée de Schoenberg. Pari réussi, car nos trois mousquetaires en livrent des lectures aussi rigoureuses qu’imaginatives.
« Ce disque, par un choix judicieux de compositeurs, d’œuvres et d’arrangements, comme une arche de mémoire, conte un peu de l’histoire de la seconde partie de l’ère romantique, jusqu’à l’orée du XXème siècle ». Ainsi s’exprime le compositeur Benoît Menut, qui au demeurant a écrit en 2012 une œuvre pour le Trio Karénine. Le choix de celles jouées ici s’articule autour de Schoenberg et de la transcription pour trio avec piano de La Nuit transfigurée réalisée par un élève du maître, Eduard Steuermann. Plus qu’une relecture du sextuor à cordes d’origine (1899), voici bien une re-création. Car dans le travail de réduction à trois parties d’une partition qui se prête plus à l’élargissement, tel celui réalisé pour orchestre en 1917, Steuermann choisit le parti de la concentration. Outre qu’elle est fidèle à l’esprit du texte, cette version à trois n’élude en rien la densité de l’œuvre et de sa composante littéraire, le poème de Dehmel. Menut y voit un vrai geste de compositeur, au-delà de celui d’arrangeur. C’est que pianiste lui-même, Steuermann confère au piano un rôle essentiel, quasi orchestre. Le dialogue de celui-ci avec les deux cordes au long des diverses sections est magistral, notamment lors des instants saillants. Car le piano est moteur ou soutient ses partenaires. Et il sort souvent de son rôle de simple voix pour assurer les parties des autres cordes du sextuor d’origine. Telle la section »Sehr breit und langsam », introduite par le cello, dont la phrase magique est soutenue par le piano et est ensuite dite par un violon séraphique. Dans cet exercice de haute voltige, les Karénine offrent une exécution d’un poli instrumental rare et une lecture d’une extrême lisibilité, loin de tout sentimentalisme post-romantique.
Écrite par Liszt en 1880, Tristia est sa propre transcription de la pièce pour piano »Vallée d’Obermann », extraite des Années de Pèlerinage – Suisse. Dans cette autre configuration, le morceau prend un aspect bien différent. L’introduction Lento est confiée au piano qui cède la place au violoncelle. Celui-ci joue un rôle important, notamment dans le dialogue avec le violon au médian du morceau, avant un passage tendu des trois protagonistes, quasi haletant. Les Six Pièces en forme de canon op.56 de Schumann, écrites en 1845 pour l’instrument appelé piano à pédalier, seront ensuite transcrites pour trio avec piano par l’organiste, pianiste et chef d’orchestre Theodor Kirchner, contemporain de l’auteur. Ces pièces, appelées aussi Études, peu fréquentées du répertoire pianistique schumannien, font partie d’un ensemble de trois opus consacrés à cet instrument particulier dont s’était pris de passion le musicien et qui sera popularisé en France par le facteur Erard. La référence à Bach est notable au Ier morceau avec d’intéressants unissons des deux cordes. Le motif de Clara se retrouve à la seconde, notée »avec une expression intérieure ». Pareille intériorité distingue la 4ème, sorte de romance sans parole. Tandis que la N°3 Andantino offre un contraste passionné, coutumier chez Schumann, d’un flux allant, comme il en est du 5ème, épisode trottinant et d’une rigueur contrapuntique. Un Adagio conclut avec introspection. Sans doute, cette version chambriste enrichit-elle celle pour piano seul, fût-elle déjà augmentée par l’usage du pédalier.
Comme pour le Schoenberg, les musiciens du Trio Karénine apportent à ces pièces de Liszt et de Schumann l’extrême sensibilité et la beauté sonore qui les caractérisent : violon solaire de Fanny Robilliard, piano fluide de Paloma Kouider et violoncelle profond de Louis Rodde. Challenge réussi donc que cette audacieuse aventure au-delà des frontières du répertoire habituel de leur formation.
Ils sont enregistrés dans la grande salle de l’Arsonic de Mons Arts de la Scène (MARS) en Belgique avec grand relief et une fusion parfaite des trois voix habilement placées, le piano enveloppant les cordes.
Jean-Pierre Robert, On-Mag, Mars 2021
Formé en 2009, le Trio Karénine poursuit son exploration du répertoire, comme le prouvent leurs deux premiers disques dédiés à des compositeurs aussi différents que Schumann (en 2018), Tailleferre, Fauré et Ravel. C’est cette fois un coup de maître, tant les interprètes surprennent par leur capacité à varier admirablement les climats, sensibles et délicats dans les parties apaisées, plus vifs ensuite en contraste, mais toujours au service d’une éloquence narrative et très à propos. Le Premier Trio (1923-1925) de Chostakovitch trouve ici une version de référence, tant la grâce féline à l’œuvre donne un charme constant à cet ouvrage de jeunesse emporté par les élans amoureux. Pour autant, quelques sombres échos nous rappellent combien le moral de Chostakovitch était déjà atteint – à la fois par le décès de son père l’année précédente, une tuberculose diagnostiquée et la situation matérielle très dégradée de sa famille. Le piano cristallin de Paloma Kouider, véritable rayon de soleil de ce disque, fait merveille dans les passages subtils, tandis que ses compagnons saisissent à la perfection les alternances entre lyrisme, rythmique dansante et intériorité du fameux Trio «Dumky» (1891) de Dvorák.
Ce très beau programme s’achève avec le méconnu Trio (1945) de Weinberg (ami proche de Chostakovitch de 1943 jusqu’à son décès), dont on ne cesse de revisiter d’année en année l’importante production. Les deux compatriotes ne cesseront de s’influencer mutuellement, comme le prouve cet ouvrage inspiré où l’on retrouve rythmique nerveuse et tourments expressifs, sans jamais sacrifier à la mélodie. Plutôt que le Premier Trio de Chostakovitch, il aurait peut-être été plus pertinent de graver ici le Second (composé un an seulement avant celui de Weinberg), et ce afin de pouvoir comparer les deux ouvrages. Quoiqu’il en soit, le Trio Karénine séduit tout du long par la lisibilité et les couleurs, toujours mises en valeur par la prise de son – le tout en une lecture équilibrée entre pénombre et clarté. Un grand disque.
Florent Coudeyrat, concertonet.com, février 2020
L’âme slave et consciente du Trio Karénine
Dix années d’existence. Le Trio Karénine, fondé en 2009, ne pouvait choisir répertoire plus idoine pour fêter sa belle décennie d’existence. Dvorak, entouré de Chostakovitch et Weinberg … Ou la pièce angulaire du répertoire du trio, témoin d’une Europe de l’Est brillante qui n’en finira pas de sombrer plus tard dans des heures noires. Des heures noires portées à la musique par Chostakovitch et Weinberg dont le Trio Karénine propose ici une interprétation distinguée. Le tout chez Mirare et disponible depuis le 11 octobre 2019.
Un disque des émotions complexes
Le Trio Karénine réussit un bel enregistrement. Mieux, il porte au public et au disque des oeuvres dont on dirait communément qu’elles sont l’âme slave. Nous préférerons parler du talent de ces artistes à jouer, interpréter et vivre des oeuvres emblématiques de ce que l’émotion complexe est en musique.
Le Trio « Dumky » est aux origines de ce travail au coeur des émotions telles que transcrites par les compositeurs slaves. Mélancolie et gaieté s’y côtoient. Se confrontent presque, rappelant ainsi la personnalité enflammée et rêveuse de Dvorak. Un compositeur que les trois artistes du Trio servent avec une infinie justesse.
Cette oeuvre emblématique de la musique de chambre de Dvorak est entourée de Chostakovitch et Weinberg. Chostakovitch et Weinberg, les deux amis que la musique mais aussi la répression politique et religieuse en Union Soviétique a soudé. Chez eux, le mot émotion devient euphémisme. Là encore, Paloma Kouider (piano), Fanny Robilliard (violon) et Louis Rodde (violoncelle) excellent. Du Trio n°1 op.8 de Chostakovitch, on retient leur talent à transcrire la tension dramatique d’une pièce enserrée entre un lyrisme post-romantique et les accents douloureux de thèmes obsessionnels. Du Trio op.24 de Weinberg, on applaudit chaque note, chaque complainte du violon, chaque murmure de douleur du violoncelle et chaque présence sourde et lancinante du piano.
Des musiciens conscients
2019. L’Europe hésite et les individualités perdent parfois le lien qui les rattache à l’histoire douloureuse du vingtième siècle. Ne suffit-il pas de lire, d’écouter, de se remémorer pour mieux avancer ? Ce disque Chostatovitch – Dvorak – Weinberg est donc bien mieux encore qu’un travail sur l’âme slave. Il appelle à vivre des oeuvres qui portent en elles le lot de souffrances incommensurables subies par les intellectuels et les artistes à l’Est…
On pense bien sûr au Trio op.24 de Weinberg. Achevé en 1945, il est douleur et tragique. Le compositeur vient de perdre l’ensemble de sa famille en Pologne et le lien entre sa vie personnelle et son oeuvre est évident. « Beaucoup de mes oeuvres sont liées à la guerre. Cela n’a pas été, hélas, le fruit d’un choix volontaire, ce fut dicté par mon destin, le tragique destin de ma famille ». Weinberg, cité ici par Charlotte Ginot-Slacik dans le livret du disque, donne la clé.
N’oublions pas que les artistes du Trio Karénine nous donnent une autre clé. Musiciens actuels, ils portent au disque et à la scène les questions du présent. Pas du passé mais du présent. En cela, ils fêtent avec nous dix ans d’existence et bien des années à venir. Car le rôle de l’artiste n’est pas seulement d’émouvoir. Il est aussi celui d’éveiller et de réveiller. Et cela, le Trio Karénine l’a fort bien compris.
Anne-Sandrine Di Girolamo, Gang Flow, Octobre 2019
« […] Pour terminer le concert c’est le jeune et talentueux Trio Karénine qui prend place sur l’estrade. L’enregistrement qu’ils ont réalisé du trio de Ravel était déjà de très bon augure, mais il faut être devant eux pour percevoir toute cette écoute, cette attention intime à l’autre, cette sensibilité subtile qui les unit. L’émotion délicate qui parcourt le jeu du violoncelliste est au bord de la rupture ; la sonorité est pleine et belle mais peut aller vers une nuance infinitésimale. Le violon est pur, dans des zones célestes. Et le piano socle inébranlable, puissance rythmique tellurique. Des qualités complémentaires qui permettent une interprétation remarquable et inoubliable du Trio de Ravel. Tout particulièrement la manière de construire et dégraisser la Passacaille nous permet de juger de la puissance expressive de chaque musicien lorsqu’il prend possession du thème, puis l’amplitude sidérante qui naît de leur union avant de retrouver la pureté noire du piano dans ses sonorités graves pour finir ce mouvement lent. C’est le final qui revient à la force de vie élémentaire. Vent, eau, feu, terre sont évoqués par la richesse des sonorités mêlées avec une variété incroyable. Ravel a inventé une sonorité à trois, mouvante comme la vie. Le Trio Karénine parvient à cette alchimie rare. Il a bien de l’héroïne éponyme cette puissance expressive et la vie même chevillée au corps.
Une très belle soirée qui nous conduit avec art et délicatesse vers l’un des sommets de la musique de chambre dans une interprétation de haut vol. »
Hubert Stoecklin, Classiquenews.com, Août 2019
“Le premier album du Trio Karénine (Schumann) avait fait dresser l’oreille. Celui-ci confirme bien que cette réussite n’était pas un feu de paille. Après neuf ans de travail intensif, la formation a désormais atteint une maturité sonore et surtout une intelligence des textes qui la situent au plus haut niveau.
Prenons par exemple le trio de Gabriel Fauré. C’est l’œuvre d’un vieux monsieur fatigué, attaché à la forme et à une expressivité que l’on peut qualifier de romantique, où priment pourtant la sensualité et l’élégance d’une forme épurée.
On retrouve tout cela dans l’interprétation des Karénine, qui voient les choses de haut, refusent d’accuser les angles et l’expression, et donnent du Trio l’image la plus juste et raffinée.
À propos de raffinement, on appréciera aussi l’équilibre du Trio de Ravel, dans lequel la perfection de la forme conjure les terribles angoisses qui assaillaient le compositeur en cette année 1914. L’expression, une fois encore, n’est pas surlignée mais passe par le travail des sonorités et la conduite très naturelle des mouvements.
Bien moins connu, quoiqu’il en existe déjà au moins deux enregistrements, le Trio de germaine Tailleferre offre la particularité d’avoir été composé en deux fois, à six décennies d’intervalle (1917 et 1978).
On y sent bien un petit côté Groupe des Six charmant et spirituel mais surtout une belle écriture dense et châtiée, et que les interprètes prennent vraiment au sérieux.
En somme un très beau travail d’une formation qui porte un regard original sur des pages connues et révèlent une rareté de prix.”
Jacques Bonnaure, Classica, Juin 2018
Le Trio de Germaine Tailleferre par des interprètes français ? Ce n’est pas tous les matins ! On a commencé ce disque par la fin, avec l’ouvrage de l’unique femme du Groupe des Six, avant de reprendre les choses à leur début et de « boucler » pendant un bon moment sur une vraie petite merveille discographique (très bien captée de surcroît).
A la différence des quatuors, qui poussent comme des champignons, les trios avec piano ne sont pas légion en France. Le Trio Karénine compte parmi les meilleurs, tant par le niveau de chacun de ses membres (Fanny Robilliard, violon ; Louis Rodde, violoncelle ; Paloma Kouider, piano) qu’un équilibre, une harmonie des individualités et un profond sens de la couleur, qualités qui s’illustrent au mieux dans ce programme français.
Entrée en matière avec le Trio op. 120 (1923) de Fauré. Difficile de croire que cet ouvrage précède d’un an seulement le testamentaire Quatuor à cordes op. 121. Le vieux maître était sans doute devenu dur de la feuille, mais que de jeunesse et de sève lyrique a-t-il su mettre dans une partition dont les trois musiciens s’emparent avec un souffle et un sens de la grande ligne simplement admirables, auxquels s’ajoutent une spontanéité de tous les instants.
Le Trio en la mineur de Ravel se range parmi les des chefs-d’œuvre absolus du genre au XXe siècle et ne pouvait faire défaut à ce disque français. Il est des interprétations qui possèdent le privilège – rare – de conférer une saveur nouvelle aux ouvrages les plus rebattus. C’est le cas de celle du Trio Karénine ; elle dévoile toutes les facettes de la partition avec autant d’intelligente maîtrise que d’émerveillement. Emerveillement qui devient celui de l’auditeur, ébloui et touché par tant d’art et, surtout, de naturel.
Beau geste de curiosité en conclusion que le choix du Trio de Germaine Tailleferre (1892-1983), composition en quatre mouvements entamée en 1917 et qui ne fut achevée qu’en … 1978 ! Le résultat vivant, savoureux, profondément attachant, oscille entre la tendresse et le bigarré et mérite la découverte, d’autant les instrumentistes à l’œuvre ici lui rendent justice avec fraîcheur et franchise.
Alain Cochard, concertclassic.com, Juin 2018
Si bon nombre de jeunes quatuors à cordes français ont acquis une enviable réputation, les trios se portent également très bien comme l’attestent le Trio Karénine et cet admirable disque Schumann. Que trois jeunes musiciens se lancent avec passion dans ces deux partitions éminemment romantiques n’étonnera personne, mais qu’ils y déploient un jeu instrumental à l’équilibre parfait, pourtant si difficile à obtenir dans ces œuvres complexes, et a fortiori sur piano moderne, force l’admiration.
Le piano évite en effet une hégémonie facile pour laisser toute liberté d’élocution aux cordes, et notamment au violoncelle qui peut discourir d’égal à égal avec le violon. Si panache il y a, c’est toujours dans un esprit purement chambriste, avec un souci du détail générant une réalisation d’une qualité rare, sans faiblesse aucune. L’Opus 63 se montre ainsi totalement convaincant, d’autant que les Karénine, en privilégiant des tempi allants, évitent l’écueil de l’épaisseur, voire de la lourdeur si souvent subies dans ces pages. (…)
Un remarquable premier disque, aux interprétations pleinement abouties et montrant de bien belles qualités d’ensemble, se hissant aux premières places de la discographie, en compagnie notamment du Beaux-Arts Trio (Philips) et de Faust-Queyras-Melnikov (HM). Attendons maintenant le troisième et dernier trio !
Antoine Mignon, Classica, Juin 2016
Le personnage du roman de Tolstoï, Anna Karénine, par l’élan vital qui le caractérise, a inspiré son nom à ce remarquable Trio français constitué en 2009.
Cette jeune formation a bénéficié de l’expérience du Quatuor Ysaÿe au Conservatoire de Paris mais aussi des conseils précieux et avisés de Menahem Pressler, du Trio Wanderer, de Jean-Caude pennetier … Distingué pour la qualité de ses interprétations, le Trio Karénine s’est attiré l’attention bienveillante de nombreux mélomanes et acteurs influents du milieu artistique. Toutes leurs spécificités s’imposent et deviennent évidence dans les deux premiers Trios avec piano que Robert Schumann composa en 1847 (op. 63) et en 1847-49 (op. 80). L’homogénéité de l’ensemble fait merveille mais ne muselle aucunement les trois individualités alliées bien davantage que concurrentes. En à peine quelques mesures on baigne dans le monde romantique du maître allemand fait de rêverie insondable et de fantaisie parfois débridée mais aussi de mélancolie troublante et de rythmes ardents. Ces traits se retrouvent dans les quatre mouvements de chaque trio et, à l’occasion également, au sein d’un même mouvement. Ils nous convient à franchir des atmosphères variées et changeantes en nous guidant, exemple parmi d’autres, du « Lent, avec sentiment intimée du Trio en fa majeur au « Très vif » de ce lui en fa mineur. A l’instar de certains prédécesseurs comme le Beaux-Arts Trio, le Trio Leif Ove Andsnes, Christian et Tanja Tetzlaff ou le Trio Florestan, le Trio karénine sait faire revivre la musique de Schumann avec talent et génie et se il se positionne à leurs côtés, riche d’un enthousiasme et d’une maturité admirables.
Jean-Luc Caron, Resmusica, Mai 2016
Le même éditeur nous offrait voici deux ans le troisième trio (lOpus 110) par Adam Laloum, Mi-Sa Yang et Victor Julien-Laferrière en état de grâce. Les deux premiers nous permettent ici de faire connaissance avec le Trio karénine. Lumineuse, sobre et sensible, leur version de l’Opus 63 épouse les tourments de l’écriture sans trop les rehausser. ici, on dessine à main levée le trot chromatique déjà oppressant du mouvement initial, en ne lissant jamais les inflexions fouillées du dialogue. On s’amuse ensuite avec naturel dans le facétieux scherzo, avant de toucher la grâce du doigt dans l’intimité du mouvement lent, sommet de la poésie Schumannienne. Les interprètes démontrent là une exquise maturité faite de retenue et de pudeur, poignante par son infinie subtilité, avant de s’élancer dans un finale heureux qui en dissipe les angoisses.
L’Opus 80 n’offre pas moins de séductions par ses contrastes mesurés et une cohérence immaculée, le Trio Karénine en livre les instants de rêverie comme les sautes d’humeur, témoins de cette instabilité émotionnelle propre à l’auteur. Dans un esprit plus fraternel que combatif, les trois musiciens équilibrent leurs nuances, leurs élans et leur accentuation en veillant à ce que rien ne sorte du cadre. (…) Belle réussite pour un premier disque !
Jean-Michel Molkhou, Diapason, Septembre 2016
« LUMINEUX »
Moins souvent joués que les trios de Beethoven, de Schubert ou de Brahms, ceux de Robert Schumann recèlent pourtant de bien jolis trésors les deux trios proposés ici ont été composés en 1847 – le premier l’a été en hommage à Félix Mendelssohn – et possèdent tout ce qui rend Schumann parfaitement indispensable. Un génie torturé, mais animé d’une sourde énergie. L’interprétation du trio Karénine – un groupe de jeunes musiciens français d’exception – est lumineuse et d’une source d’émotions étonnantes.
Frederic Hutman, The Good Life
« Le Trio Karénine subjugue le public »
Les absents avaient bien tort ! Vendredi soir, le trio Karénine a littéralement enchanté le public avec un formidable voyage dans les contrées de l’est de l’Europe. Dans le somptueux cadre du manège de l’abbaye, les jeunes musiciens, visiblement très complices, ont interprété avec malice et virtuosité des œuvres de Rachmaninov (« Premier trio élégiaque »), Chostakovitch (« Trio numéro 1 »), Dvorak (trio Dumky) avant de conclure sur l’électrisante « Danse du sabre » d’Aram Khatchatourian
La Nouvelle République, Juillet 2016
Pour terminer le concert c’est le jeune et talentueux Trio Karénine qui prend place sur l’estrade. L’enregistrement qu’ils ont réalisé du trio de Ravel était déjà de très bon augure, mais il faut être devant eux pour percevoir toute cette écoute, cette attention intime à l’autre, cette sensibilité subtile qui les unit. L’émotion délicate qui parcourt le jeu du violoncelliste est au bord de la rupture ; la sonorité est pleine et belle mais peut aller vers une nuance infinitésimale. Le violon est pur, dans des zones célestes. Et le piano socle inébranlable, puissance rythmique tellurique. Des qualités complémentaires qui permettent une interprétation remarquable et inoubliable du Trio de Ravel. Tout particulièrement la manière de construire et dégraisser la Passacaille nous permet de juger de la puissance expressive de chaque musicien lorsqu’il prend possession du thème, puis l’amplitude sidérante qui naît de leur union avant de retrouver la pureté noire du piano dans ses sonorités graves pour finir ce mouvement lent. C’est le final qui revient à la force de vie élémentaire. Vent, eau, feu, terre sont évoqués par la richesse des sonorités mêlées avec une variété incroyable. Ravel a inventé une sonorité à trois, mouvante comme la vie. Le Trio Karénine parvient à cette alchimie rare. Il a bien de l’héroïne éponyme cette puissance expressive et la vie même chevillée au corps.
Une très belle soirée qui nous conduit avec art et délicatesse vers l’un des sommets de la musique de chambre dans une interprétation de haut vol.
Hubert Stoecklin, Classiquenews.com
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Représentation : mondiale